Omega Marine Chronometer
(Megaquartz 2400)
3 juillet 2003, 23 heures 44.
Anxieux, j'attends devant l'écran de mon ordinateur que la page ebay termine de s'afficher (pas encore d'ADSL à l'époque)...
"Félicitations ! Vous êtes le meilleur enchérisseur": ça y est ,celle que j'espérais depuis quelques années elle est là, sur mon écran et elle est à moi !
Le lendemain, j'envoie un chèque à mon vendeur, qui le recevra une semaine plus tard environ.
Il va sans dire que pendant ce temps je me suis posé mille questions sur l'état réel de la montre:
-Le mouvement est il complet ?
-Serai je capable de réparer cette montre à la conception si particulière ?
-Est ce que je n'aurais pas mieux fait d'acheter un modèle en état de marche, et à sa cote ? (environ 2000 euros)
-Y aura t-il encore des pièces disponibles pour une montre de presque trente ans ?
-...
Huit jours plus tard, je reçois un email de mon vendeur m'annonçant qu'il a bien reçu mon chèque et que la montre sera envoyée dans la journée. La transaction a l'air de se dérouler correctement, c'est déjà un bon point.
La montre mettra encore un bonne huitaine de jours avant d'arriver enfin.
A l'époque, je n'avais pas encore de bon appareil photo , je me suis donc servi du scanner de mon ordinateur. Malheureusement il ne montre pas l'état réel de la montre.
En fait, extérieurement, il n'est pas si mauvais que ça: Il n'y a pas de rayures ni de chocs profonds, seul le verre saphir a vraiment besoin d'être remplacé.
Dans la journée, j'achète une pile aprés avoir cherché la référence sur mes bouquins, je ferai l'essai dans la soirée.
Nous y voilà !
Les quatre vis qui maintiennent le fond sont enlevées et le mouvement apparait: Pas de trace d'oxydation due à une pile coulée, c'est déja un point positif. Seul le joint de fond est en trés mauvais état : En fait, il s'est décomposé et transformé en une pâte noirâtre.
J'ai déja rencontré ce problème de joint sur plusieurs montres des années 70: il semblerait que ce soit un problème de stabilité du caoutchouc dans le temps.
La bride de pile est dévissée, la pile remplacée et ... rien !
L'aiguille des secondes reste désespérément immobile, le vendeur avait raison: il y a un problème, mais lequel ?
En fait, la pile alimente le quartz qui entre en vibration (2,4 mHz pour la mégaquartz contre 32 kHz pour une montre classique).
Les vibrations du quartz produisent à leur tour un courant qui est capté par le circuit intégré. Les pulsations du quartz sont comptées et au bout de 2'359'296 oscillations, c'est à dire une seconde, une impulsion est donnée au moteur et l'aiguille avance d'une graduation.
Ici cet enchaînement d'événements miraculeux est brisé : reste à trouver où le lien est rompu.
Les impulsions au moteur :
Un test avec un simple voltmètre digital réglé sur 2 volts montre que le circuit intégré "compte" correctement les oscillations du quartz :
Toutes les secondes, l'affichage de l'appareil montre une variation du voltage, qui passe de zéro à une valeur proche de 1,5 volts.
Le circuit intégré ne semble donc pas en cause.
Test du moteur :
Avec une pile de montre et deux fils électriques, j'alimente brièvement le moteur, pour voir si l'aiguille avance d'un pas.
Test négatif, aucune réaction, l'ancre à percussion reste immobile : En fait, il est plus que probable que la panne soit due à une coupure du fil de la minuscule bobine solidaire de l'ancre motrice.
Malheureusement, je ne connais pas la valeur de la résistance de cette bobine en bon état, et j'ignore si celle affichée sur l'ohmmètre est dans les normes. J'ai tout de même un sérieux doute quant à l'état de la bobine qui, à la loupe , comporte des marques qui pourraient être celles d'un coup malencontreux de tournevis.
Cliquez sur :
-la partie gauche du dessin pour avoir une description de l'électronique du calibre 1511
-la partie droite pour avoir une description du moteur à ancre
La semaine suivante, je fais donc une commande de diverses pièces pour ma montre:
Un verre neuf, une couronne de remontoir et sa tige, un joint de fond, et un moteur complet.
Je ne pense pas que je recevrai toutes les pièces, en effet il n'y a aucune trace de ce mouvement sur les catalogues de pièces détachées.
Il ne reste plus qu'à attendre des nouvelles.
Un mois plus tard environ, mon fournisseur m'appelle : Le verre et le joint de fond sont arrivés, mais le reste des pièces n'est plus livré par Omega.
Il ne reste plus que deux solutions:
- Chercher un mouvement sur une autre montre et cannibaliser les pièces.
- Envoyer la montre en Suisse, pour une remise en état.
La première solution m'apparaît rapidement trés aléatoire, en effet les Constellations dotées de ce calibre ne se dénichent pas facilement, et leur cote a considérablement augmenté ces dernieres années.
La décision est prise, la montre est envoyée en Suisse au mois de septembre 2003, et c'est le début d'une longue attente...
24 mars 2004, Omegaaaa !
Dix heures du matin, je déballe le petit paquet, et redécouvre ma montre aprés plusieurs mois d'attente :
Vraiment, c'est du trés beau travail réalisé par les horlogers d' Omega:
La boîte et le bracelet ont été restaurés dans leur état d'origine, les brossages sont respectés et dans le bon sens, de même que les polis miroirs.
Ce qui a changé extérieurement: Le joint de verre et la couronne sont neufs, de même que le poussoir latéral de réglage de l'heure.
Plus étonnant, il semblerait que les maillons sont plus serrés qu'avant, ce qui me fait dire que les pompes de liaison usées ont été remplacées par des neuves.
Extérieurement, c'est vraiment parfait, et pour tout dire inespéré !
Ce soir, je jetterai un oeil aux entrailles de la bête de course...
... et voici le douze cylindres en V :
La partie électronique est visiblement neuve, de même que la partie moteur que je soupçonnais défectueuse.
On n'a pas fait dans le détail chez Omega, sans doute une question de garantie...
Pour finir, je dirais que c'est loin d'être ma montre la plus jolie, certains diront même qu'il faut être fou pour investir dans pareille tocante !
Mais bon, un collectionneur d'Omega se doit de posséder une " Marine Chronometer ", avec le premier calibre Quartz haute fréquence au monde.
Donnée pour une précision de + ou - 1 seconde par mois, c'était une belle prouesse au début des années 70, et ça n'est pas encore si courant trente ans plus tard...
Ajout du 25 avril 2004
Petit aperçu de la précision de la Marine Chronometer:
Mise à l'heure à l'horloge parlante le 24/03/04, la montre retarde à présent de moins d'une seconde (au 24/04/04).
La déviation sur un an sera d'environ 10 secondes (à vérifier).
Ajout du 25/09/04: Du nouveau pour mon Omega Marine Chronometer.
A la recherche de la notice d'origine:
(Source Ebay)
Je me suis mis en quête d'une notice d'origine de la montre, en guettant régulièrement les annonces d'Ebay.
Mais le boût de papier est introuvable, ou alors vendu avec la montre, ce qui bien sûr ne m'intéresse pas !
Reste une solution: Chronomania et son forum ...
Le 04 mai 2004, je poste donc ma demande, et la réponse ne tarde pas à tomber...
* * *
salut JF
je connais un collectionneur ici qui a un Marine complet ( tags, booklet,boites,...). Je vais essayer de t'arranger ça.
amitiés,
lorentz
* * *
De fait, quelques jours plus tard, je reçois par mail, une série de fichiers PDF, avec tous les papiers qui étaient vendus avec la montre, y compris la notice tant recherchée !
Un grand merci renouvelé à Lorentz, bel exemple de solidarité entre collectionneurs.
Il ne me restera plus qu'à assembler les fichiers pour redonner de la couleur, les dimensions et l'aspect d'origine à la notice, avec l'aide de photoshop.(Sacré boulot en perspective...)
...
Aprés avoir sollicité le service vintage d'Omega pour avoir des renseignements sur le passé et l'historique de ma montre, je reçois 3 mois plus tard (!) un mail m'expliquant que le service va de nouveau être restructuré, victime de son grand succés...
Bref, aucune info que je ne connais déjà, à savoir que ma montre est équipée d'un calibre 1511, qu'elle est trés précise, qu'elle a été fabriquée vers 1975.
En ce qui concerne une éventuelle copie du bulletin de marche, un deuxième mail me conseille de m'adresser aux archives de l'observatoire ayant fait passer l'épreuve.
Merci Omega !
Heureusement que l'excellent bouquin de Marco Richon "Omega Saga" précise que les bulletins ont été délivrés par l'observatoire de Besançon, une information précieuse pour mon "enquête"...
A la recherche du Bulletin de marche
Une recherche sur Google me permet de trouver le site de l'observatoire, et le service à contacter.
12 Juillet 2004, j'envoie donc un mail au webmaster du site de l'observatoire, lui demandant si les archives de chronométrie sont accessibles et surtout si je tape à la bonne porte.
Une dizaine de jours plus tard, le service concerné me répond que des recherches seront effectuées, mais en septembre seulement, étant donné la période de vacances et le manque d'effectifs qui en résulte.
Voilà une bonne nouvelle !
Je patienterai donc...
Le 20 Septembre, un mail arrive dans ma boîte :
* * *
"Bonjour,
Votre patience et nos recherches ont été fructueuses... Votre chronomètre a bien été contrôlé chez nous du 17 juillet au 18 septembre 1975, sous le numéro d'Observatoire 136. Un duplicata du bulletin est prêt à vous être envoyé si vous le désirez.
Cordialement,"
J.P
Temps-Fréquence-Chronométrie
Observatoire de Besançon.
* * *
Inespéré !
Le 23 septembre, je reçois par la poste une enveloppe avec entête de l'observatoire de Besançon.
Aprés son voyage à Bienne pour une remise à neuf, mon Omega retrouve donc tous ses papiers d'origine, et en quelque sorte son identité...
La notice refabriquée:
Voici donc le duplicata de la "carte d'identité" de ma montre délivré grâcieusement par l'observatoire de Besançon.
Ma montre est donc la 136 ième Mégaquartz 2'400 à avoir reçu un bulletin.
Une photocopie d'un extrait du registre des comparaisons de l'observatoire reçue avec le bulletin m'apprend qu'un lot de 70 pièces dotées du calibre 1511 a été déposé le 17/07/75 par un commissionnaire d'Omega.
Les tests ont été faits sur IRIS 50 le 18/09/75, il y aura 3 échecs sur le lot.
Les montres ont été rendues le 19 septembre 1975 à 15 heures 30 au commissionnaire de chez Omega...
Mais ce n'est pas fini, il me reste encore l'écrin original à retrouver...
En effet, celui présenté ci-dessous est de la même époque, mais ne correspond pas au modèle.
A suivre...
